
Dans un contexte législatif en constante évolution, les copropriétaires font face à un ensemble de nouvelles obligations qui redéfinissent leurs droits et responsabilités. Ces changements significatifs, issus des récentes réformes, visent à moderniser la gestion des copropriétés tout en renforçant la protection des occupants. Décryptage des principales évolutions qui impactent désormais le quotidien des 10 millions de Français vivant en copropriété.
L’évolution du cadre juridique de la copropriété
Le droit de la copropriété a connu ces dernières années des transformations majeures. La loi ELAN (Évolution du Logement, de l’Aménagement et du Numérique) de 2018, suivie par l’ordonnance du 30 octobre 2019, a profondément remanié la loi du 10 juillet 1965, texte fondateur régissant les copropriétés en France. Ces modifications visent à simplifier la gestion quotidienne des immeubles tout en responsabilisant davantage les copropriétaires.
L’un des objectifs principaux de ces réformes est de faciliter la prise de décision au sein des assemblées générales, notamment en modifiant les règles de majorité pour certaines résolutions. Par exemple, des travaux d’amélioration énergétique peuvent désormais être votés à la majorité simple (article 24), alors qu’ils nécessitaient auparavant une majorité absolue (article 25).
Ces évolutions juridiques s’inscrivent dans une volonté de modernisation du parc immobilier français, particulièrement en matière de transition écologique et d’accessibilité. Elles imposent de nouvelles contraintes aux copropriétaires, mais leur offrent également de nouveaux droits et opportunités pour valoriser leur patrimoine.
Les nouvelles obligations en matière de travaux
La rénovation énergétique constitue l’un des piliers des nouvelles obligations imposées aux copropriétaires. La loi Climat et Résilience de 2021 a introduit l’interdiction progressive de location des passoires thermiques, ces logements classés F et G au diagnostic de performance énergétique (DPE). Dès 2025, les logements classés G seront considérés comme indécents et ne pourront plus être mis en location.
Cette contrainte majeure s’accompagne d’une obligation d’établir un plan pluriannuel de travaux (PPT) pour toutes les copropriétés de plus de 15 ans. Ce document, élaboré pour une période de dix ans, doit identifier les travaux nécessaires à la conservation de l’immeuble et à la réduction de sa consommation énergétique. Il s’appuie sur le diagnostic technique global (DTG) qui devient progressivement obligatoire.
Pour financer ces travaux, les copropriétaires doivent désormais alimenter un fonds de travaux dont le montant minimum a été revu à la hausse. Ce fonds, distinct du budget de fonctionnement, doit représenter au moins 5% du budget prévisionnel annuel et peut être augmenté par décision d’assemblée générale. Les sommes versées restent attachées au lot en cas de vente, ce qui constitue une évolution importante par rapport au dispositif précédent.
La digitalisation des processus de gestion
La transformation numérique de la gestion des copropriétés représente un autre aspect majeur des récentes évolutions législatives. Depuis le 1er janvier 2023, toutes les copropriétés de plus de 15 lots doivent disposer d’un extranet permettant l’accès en ligne aux documents essentiels : règlement de copropriété, procès-verbaux d’assemblées générales, contrats de maintenance, etc.
La tenue des assemblées générales a également été modernisée avec la possibilité de participer à distance, par visioconférence ou de voter par correspondance électronique. Cette évolution, accélérée pendant la crise sanitaire, est désormais pérennisée et facilite la participation des copropriétaires aux décisions collectives. Dans ce contexte d’évolution juridique, certaines initiatives comme le référendum pour une justice équitable montrent l’importance croissante de l’implication citoyenne dans l’évolution du droit.
La notification électronique des documents devient également la norme, sauf opposition explicite du copropriétaire. Cette dématérialisation vise à réduire les coûts de gestion tout en améliorant la transparence et l’accessibilité des informations. Les syndics doivent s’adapter à ces nouvelles exigences en proposant des outils numériques performants et sécurisés.
Les droits renforcés en matière d’information
Les copropriétaires bénéficient désormais d’un droit à l’information considérablement renforcé. Avant chaque assemblée générale annuelle, le syndic doit présenter une fiche synthétique de copropriété résumant les informations financières et techniques essentielles. Ce document permet aux copropriétaires de disposer d’une vision claire de la situation de leur immeuble.
En cas de vente d’un lot, le vendeur doit fournir à l’acquéreur un ensemble de documents plus complet qu’auparavant, incluant notamment les procès-verbaux des trois dernières assemblées générales, le montant des charges courantes et le solde du fonds de travaux. Cette transparence accrue vise à protéger les acquéreurs en leur permettant d’évaluer précisément les obligations financières liées au bien.
Les copropriétaires disposent également d’un droit de consultation élargi concernant les pièces justificatives des charges, les contrats souscrits par le syndicat et la comptabilité du syndicat. Ces documents doivent être mis à disposition soit physiquement, soit via l’extranet de la copropriété, facilitant ainsi le contrôle de la gestion par les copropriétaires.
Les responsabilités accrues en matière environnementale
La transition écologique impose aux copropriétaires de nouvelles responsabilités environnementales. Outre l’obligation de rénovation énergétique déjà évoquée, les copropriétés doivent désormais mettre en place un système de tri sélectif des déchets adapté à leur configuration. Cette obligation s’accompagne souvent de travaux d’aménagement des locaux à poubelles.
L’installation de bornes de recharge pour véhicules électriques représente une autre évolution majeure. Le droit à la prise permet à tout copropriétaire de faire installer, à ses frais, un point de recharge sur sa place de stationnement après simple notification au syndic. Les copropriétés peuvent également opter pour une installation collective, souvent plus économique et efficiente.
La végétalisation des espaces communs et la gestion raisonnée des ressources (eau, énergie) s’imposent progressivement comme des standards dans les copropriétés. Ces pratiques, encouragées par diverses incitations fiscales et subventions, permettent de réduire l’empreinte écologique des immeubles tout en améliorant le cadre de vie des résidents et la valeur patrimoniale des biens.
Les nouvelles modalités de gouvernance
La gouvernance des copropriétés a été profondément repensée pour gagner en efficacité. Le conseil syndical, organe représentant les copropriétaires auprès du syndic, voit ses pouvoirs renforcés. Il peut désormais se voir déléguer des décisions relevant normalement de l’assemblée générale, dans la limite d’un montant prédéfini.
La délégation de pouvoirs entre copropriétaires a également été facilitée, avec la possibilité pour un mandataire de recevoir plus de trois délégations de vote si le total des voix dont il dispose n’excède pas 10% des voix du syndicat. Cette mesure vise à lutter contre l’absentéisme aux assemblées générales qui paralysait souvent la prise de décision.
Pour les petites copropriétés (moins de 15 lots), un régime simplifié a été mis en place, allégeant certaines obligations administratives tout en préservant les droits essentiels des copropriétaires. Ce dispositif permet une gestion plus souple et moins coûteuse, adaptée aux enjeux spécifiques des petits immeubles.
Les copropriétés en difficulté bénéficient quant à elles de procédures d’accompagnement renforcées, avec l’intervention possible d’un administrateur provisoire disposant de pouvoirs élargis pour redresser la situation financière et technique de l’immeuble.
En conclusion, les droits des copropriétaires connaissent une profonde mutation, marquée par un équilibre entre nouvelles obligations et protections renforcées. Si la transition énergétique et la digitalisation imposent des contraintes inédites, elles offrent également des opportunités de valorisation du patrimoine et d’amélioration du cadre de vie. Face à ces évolutions, les copropriétaires doivent s’informer et s’impliquer davantage dans la gestion de leur immeuble pour exercer pleinement leurs droits et assumer efficacement leurs responsabilités.